Une laveuse ou une télévision qui vous lâche moins de cinq ans
après son achat et dont les coûts de réparation se révèlent plus élevés
qu’un nouvel appareil. Un téléphone « intelligent » qu’on remplace après
deux ans d’utilisation pour un nouveau modèle, ou un ordinateur encore
récent dont on ne peut plus mettre à jour les programmes.
Les exemples d’appareils électroniques ou électroménagers dont la
durée de vie nous semble trop brève sont légion. Cette obsolescence,
programmée dans certains cas, provoquée par des effets de mode ou la
piètre qualité des matériaux dans d’autres, est une réalité pour ainsi
dire indéniable.
«Les témoignages des réparateurs, mais aussi
des consommateurs, indiquent clairement que les appareils durent de
moins en moins longtemps et qu’ils ne sont plus conçus pour être réparés, constate Alexandre Plourde, avocat chez Option consommateurs. Les gens n’en ont pas pour leur argent. Mais pour le fabricant, il y a un intérêt économique puisqu’on augmente le taux de remplacement du bien.»
M. Plourde reconnaît toutefois qu’on manque de données pour démontrer
hors de tout doute le phénomène, surtout lorsqu’il est question de
l’obsolescence qui serait provoquée par un fabricant produisant un bien
conçu pour ne pas durer.
Il existe néanmoins des exemples d’appareils dont la faible durée de
vie a provoqué un certain tollé. C’est le cas de l’iPod d’Apple. La pile
des premières générations de l’appareil, impossible à changer, rendait
l’âme en moyenne après 18 mois d’utilisation. Et lorsque les
consommateurs mécontents contactaient l’entreprise, on leur conseillait
de se procurer un nouvel iPod.
Jugeant que cette situation avait toute l’apparence d’une politique
d’obsolescence programmée, des clients ont intenté en 2003 un recours
collectif contre la multinationale. Le géant a finalement décidé de
dédommager les plaignants, mais aussi de mettre en place un service de
remplacement de pile et une garantie prolongée à deux ans.
Une courte vie
Au-delà de ces cas médiatisés, Le Devoir a recueilli
plusieurs témoignages de consommateurs dont les appareils électroniques
ou électroménagers ont présenté diverses défectuosités dans des délais
plus ou moins brefs. Les plaintes reliées à ce genre de situation
représentent de «40 à 50% des appels chez Option consommateurs», souligne d’ailleurs Me Plourde.
Une étude du Centre de recherche sur le développement durable de
l’Université d’Arizona a ainsi conclu qu’en 20 ans, la durée de vie d’un
ordinateur est passée de 10 à 5 ans. Selon l’Agence de protection de
l’environnement des États-Unis, celle-ci avoisinerait même les trois
ans, au mieux. Dans le cas du cellulaire, la moyenne mondiale dépasse à
peine les deux ans. Le même phénomène de réduction de la durée de vie
est présent pour les électroménagers — réfrigérateur, laveuse,
lave-vaisselle —, qui étaient auparavant utilisés pendant plus d’une
décennie.
«Il n’y a aucun doute que le cycle de vie des produits s’est raccourci», affirme Jacques Nantel, professeur titulaire de marketing à HEC Montréal. Il estime toutefois que cela ne se résume pas à un «complot» ourdi par les entreprises. « C’est
une responsabilité partagée. On pourrait construire des biens qui
durent plusieurs années. Ils seraient plus chers que ce qu’on achète
aujourd’hui, mais sur le long terme, ils seraient beaucoup plus
économiques. Le problème, c’est que les consommateurs n’en veulent pas.
Ils ont des budgets planifiés à court terme, donc ce sont les produits
les moins dispendieux qui vont prévaloir.»
Ces produits, habituellement fabriqués dans des complexes industriels
situés en Asie, coûtent certes moins cher à produire, mais ils sont
aussi moins durables. Et, bien souvent, les consommateurs constatent
avec surprise qu’il est plus coûteux de les faire réparer que d’en
acheter de nouveaux. «Le produit est fabriqué à
un coût très bas parce qu’il est basé sur un coût de main-d’oeuvre très
bas. Une fois ici, si on veut le réparer, la main-d’oeuvre est dix fois
plus chère. C’est donc vu comme une anormalité de le réparer», explique M. Nantel.
Une culture consumériste
Dans le cas de l’électronique, comme les téléphones intelligents ou
les tablettes, les consommateurs seraient de toute façon portés à
acheter des appareils neufs plutôt que de les faire réparer.
Bombardés de publicités vantant la nouveauté et y accolant une image
prestigieuse, voire avant-gardiste, ils ont parfaitement intégré la «culture»
consumériste du jetable après usage, selon Bertrand Schepper, chercheur
à l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques. Et ils
sont prêts à s’endetter pour consommer.
Notre modèle économique basé sur une croissance infinie se maintient
d’ailleurs essentiellement grâce à la consommation. Celle-ci représente
près de 60 % du PIB canadien. «Le capitalisme et la société de consommation encouragent le phénomène, souligne M. Schepper. Ce
n’est pas un complot, mais les entreprises ont un intérêt à revendre le
même produit. Et personne ne s’attend, par exemple, à conserver le même
téléphone cellulaire pendant 10ans.»
Mais serait-il possible de légiférer pour obliger les entreprises à
fabriquer des produits plus durables ? La chose apparaît complexe, selon
Alexandre Plourde.
Il faudrait pour cela mettre en place une coordination internationale
entre les pays producteurs et ceux où sont consommés les biens. La
France vient d’adopter une loi interdisant l’obsolescence. Mais selon
Me Plourde, celle-ci sera difficile à appliquer, en raison de la
complexité de la preuve.
Pour le chercheur Bertrand Schepper, la réflexion doit de toute façon être plus profonde. «Il
faudrait se demander s’il ne serait pas intéressant d’intégrer la
durabilité dans nos valeurs, ou même de consommer moins. Par exemple, si
nous décidions de produire des biens plus durables, serait-il possible
de consommer moins, et donc de travailler moins et d’avoir plus de temps
pour soi, pour être plus heureux?»
L’origine du problème : le simulacre de démocratie dans lequel nous vivons
Le simulacre de démocratie dans lequel nous vivons permet aux
politiciens d’ignorer le problème : la compétition déloyale des
fabricants outremer, avec le soutien des gouvernements de leurs pays.
Leur compétition déloyale est celle-ci :
La production de biens de piètre qualité et durabilité ayant les
apparences de biens de bonne qualité et durabilité. Conséquemment, le
consommateur (p.ex., canadien) ayant acheté un produit fabriqué outremer
(p. ex. en Chine) se voit souvent obligé de racheter le même produit
peu de temps après suite à une défaillance du produit. Dans le cas de la
Chine, cette compétition est encore plus déloyale par le contrôle
qu’exerce le gouvernement chinois sur le taux de change de sa monnaie.
Le tout contribue à l’équivalent effectif et exact d’une pratique de «
dumping ». C’est-à-dire la vente de biens en dessous de leurs prix
coûtants afin de mener à la faillite les compétiteurs pour cerner le
marcher et, par la suite, augmenter les prix.
Cette compétition déloyale contribue à mettre au chômage les gens d’ici
qui fabriquent (fabriquaient) les mêmes produits, et envoyer à la
faillite les producteurs d’ici ; ce qui se reflète en taxes pour les
Canadiens (p.ex., taxes pour défrayer les coûts du chômage et du
bien-être social + les coûts engendrés par les conséquences indirectes
du chômage et du bien-être social). Conséquemment, la richesse qui était
produite ici est maintenant acheminée vers la Chine. Conséquemment, le
niveau de vie des Canadiens glisse de plus en plus vers celui des
Chinois, et même en dessous de celui des Chinois. Conséquemment, ces
derniers viennent maintenant acheter nos entreprises avec notre argent.
En apparence, le produit que vous achetez fabriqué en Chine coûte moins
cher, mais en réalité coûte plus cher que s’il était fabriqué au Canada
(prix du produit + non-durabilité + non réparable + taxes pour les frais
du chômage et du bien-être social + coûts socio-économiques indirects
reflétés en taxes additionn
Obsolescence Programmée
Le documentaire «Prêt à jeter», réalisé par Cosima Dannoritzer en 2010